MESURES DU BRUIT
Réduire le bruit à la source
Une priorité règlementaire en milieu de travail
Par Hany Ghonaim | Fondateur chez ODYO
Réduction du bruit avant tout
Le bruit excessif sur les lieux de travail constitue l’un des principaux facteurs de risque pour la santé et le bien-être des travailleurs. En effet, la surdité professionnelle est l'une des lésions les plus fréquentes en milieu industriel. Pour y remédier, il faut prioriser des mesures qui éliminent ou réduisent le bruit à la source. Cette approche permet non seulement de respecter les obligations légales établies dans le Règlement sur la Santé et la Sécurité du Travail (RSST) du Québec, mais aussi de garantir une protection durable et efficace pour les travailleurs. L’article 130 du RSST souligne que les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. Cela implique la réduction du bruit à la source par des mesures techniques et administratives avant de recourir à des solutions plus simples, mais moins efficaces, telles que les protecteurs auditifs individuels.
L'importance de l'aménagement et des choix initiaux
L’article 132 du RSST met en lumière le rôle clé de la conception et de l’aménagement dans la réduction du bruit. Il stipule que lors de la conception et de l’aménagement d’un établissement, de la mise en place d’un nouveau processus ou de modifications, l’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour éliminer ou réduire le bruit à la source, ou à tout le moins réduire l’exposition des travailleurs.
Ces moyens incluent également l’achat ou le remplacement d’équipements en privilégiant ceux qui sont les moins bruyants. Cependant, ces démarches doivent s’assurer de ne pas compromettre d’autres aspects de la santé et de la sécurité des travailleurs. Cela implique:
- Choisir des emplacements optimaux pour les équipements bruyants.
- Intégrer des critères acoustiques dans les appels d’offres pour l’achat de nouvelles machines.
- Considérer l’acoustique dès la phase de conception architecturale.
Vaut mieux prévenir que guérir comme on dit.
Limites d'exposition au bruit en milieu de travail au Québec
Au Québec, la règlementation concernant les limites d'exposition au bruit en milieu de travail a été modifieé le 16 juin 2023.
L’article 131 du RSST énonce les nouvelles limites d’exposition au bruit en vigueur:
- Le niveau d’exposition quotidienne au bruit est fixé à 85 dBA
- Le niveau de pression acoustique de crête est fixé à 140 dBC
L’article 137 va plus loin en établissant des directives claires sur la réduction du temps d’exposition au bruit.
- Exposition unique : Lorsqu'un travailleur est confronté à une seule situation de travail composée d’une seule tâche ou activité à risque de dépassement des valeurs limites d’exposition, l’employeur doit veiller à ce que le temps d’exposition ne dépasse pas les durées maximales indiquées dans le tableau suivant:
Niveau de pression acoustique continu équivalent (dBA) | Durée maximale permise par jour |
---|---|
82 | 16 heures |
83 | 12 heures |
85 | 8 heures |
88 | 4 heures |
91 | 2 heures |
94 | 1 heure |
97 | 30 minutes |
100 | 15 minutes |
103 | 7 minutes |
106 | 4 minutes |
109 | 2 minutes |
112 | 1 minute |
115 | 28 secondes |
118 | 14 secondes |
121 | 7 secondes |
124 | 3 secondes |
127 | 1 seconde |
130-140 | Moins d'une seconde |
-
Exposition multiple : Lorsqu’un travailleur est confronté à plusieurs tâches ou activités à risque au cours de la journée, l’employeur est invité à utiliser la calculette fournie par la Commission des Normes, de l'Équité, de la Santé et de la Sécurité du Travail (CNESST) sur son site internet pour calculer le niveau d’exposition quotidienne (Lex,8h). Ce niveau doit respecter les valeurs limites d’exposition quotidiennes au bruit.
Cet article ne permet pas de prolonger les périodes de travail au-delà des limites autorisées par d’autres lois, règlements, conventions collectives ou contrats de travail.
Qui peut effectuer les mesures de bruit ?
L’article 140 établit clairement, depuis sa modification, les qualifications requises pour effectuer les mesurages du niveau d’exposition quotidienne au bruit et de la pression acoustique de crête. Ces mesures doivent être réalisées par :
-
Un professionnel ou un technicien ayant une formation en hygiène du travail ou une formation spécialisée en acoustique : Ces qualifications garantissent une maîtrise des principes scientifiques et des techniques nécessaires pour évaluer précisément les niveaux de bruit.
-
Toute autre personne maîtrisant les règles de l’art relatives au mesurage du bruit : Cette option offre une certaine flexibilité, mais exige une expertise démontrable et une connaissance approfondie des méthodes de mesurage.
De plus, l’employeur peut désigner une personne pour assister celle qui effectue le mesurage, à condition que cette dernière conserve l’entière responsabilité des résultats.
Cette disposition assure que les mesures soient prises avec rigueur et exactitude.
Les moyens raisonnables pour réduire le bruit
L’article 135 du RSST précise les moyens raisonnables que l’employeur doit mettre en œuvre pour respecter les objectifs de réduction du bruit. Ces moyens incluent :
-
Remplacement d’équipements : Substituer les machines ou équipements existants par des modèles moins bruyants.
-
Entretien et correctifs : Assurer un bon entretien des équipements et réaliser des modifications techniques pour limiter leur niveau sonore.
-
Limitation de la propagation du bruit : Mettre en place des solutions comme l’encoffrement des machines ou l’insonorisation des locaux et lieux de travail.
-
Isolation des postes de travail : Protéger les travailleurs en isolant les zones à risque élevé.
Lorsqu’il est impossible de respecter les valeurs limites d’exposition, l’employeur est tenu de mettre en œuvre tous les moyens identifiés, même si ceux-ci ne suffisent pas à atteindre les limites d’exposition prescrites.
Réduction du bruit à la source : Exemples et moyens techniques
Pour réduire le bruit à la source, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre selon les caractéristiques des lieux de travail et des équipements utilisés. Voici des exemples concrets :
-
Remplacement des équipements : Remplacer les machines bruyantes par des modèles plus modernes, conçus pour émettre moins de bruit. Par exemple, opter pour des ventilateurs ou compresseurs silencieux.
-
Maintenance préventive : Mettre en place un programme d’entretien régulier pour éviter les vibrations excessives ou les défaillances qui augmentent le bruit. Cela inclut le serrage des fixations et la lubrification des pièces mobiles.
-
Installation de barrières acoustiques : Utiliser des panneaux ou écrans acoustiques pour séparer les zones bruyantes des espaces de travail. Ces barrières peuvent être fixes ou mobiles, selon les besoins.
-
Encoffrement des machines : Construire des boîtiers insonorisants autour des équipements particulièrement bruyants, comme les générateurs ou les moteurs.
-
Traitement des locaux : Réduire la réverbération dans les locaux en ajoutant des matériaux absorbants comme des panneaux acoustiques muraux, des tapis insonorisants ou des plafonds suspendus absorbants.
-
Réduction des vibrations : Installer des amortisseurs de vibrations ou des bases isolantes sous les machines pour limiter la transmission du bruit aux structures environnantes.
-
Optimisation des processus : Réorganiser les flux de production pour éloigner les machines bruyantes des postes de travail ou planifier leur utilisation à des moments où le nombre de travailleurs exposés est réduit.
-
Achat d’outils silencieux : Privilégier des outils électriques ou pneumatiques à faible niveau sonore, comme des clés à choc ou des perceuses silencieuses.
-
Élimination des bruits aigus : Installer des silencieux ou des diffuseurs sur les systèmes de ventilation ou d’échappement.
Ces moyens permettent de diminuer significativement le bruit à la source, contribuant à un environnement de travail plus sûr et plus sain pour les employés.
Fréquence et suivi des évaluations du bruit
L’évaluation périodique du bruit est essentielle pour maintenir un environnement de travail sécuritaire et conforme aux exigences légales. Voici un résumé des principales obligations :
Article 133 : L’employeur doit évaluer chaque situation de travail présentant un dépassement des valeurs limites d’exposition tous les cinq ans. Cette évaluation vise à :
- Identifier les moyens pour éliminer ou réduire le bruit à la source.
- S’assurer du respect des limites d'exposition établies.
- Réduire l’exposition des travailleurs au bruit.
L’employeur doit débuter la mise en œuvre des moyens identifiés dans l’année suivant l’évaluation et les compléter avant la prochaine évaluation quinquennale.
Article 134 : Lorsqu’un changement de situation à risque survient, l’employeur dispose de 30 jours pour l’identifier. Dans l’année qui suit, il doit :
- Mesurer les niveaux d’exposition au bruit.
- Mettre en œuvre les moyens raisonnables pour réduire le bruit ou respecter les valeurs limites.
Si la prochaine évaluation quinquennale est dans moins de deux ans, l’employeur a un délai supplémentaire de deux ans pour finaliser les mesures identifiées.
Article 138 : L’employeur doit mesurer les niveaux d’exposition au bruit et la pression acoustique de crête dans les cas suivants :
- Aucun moyen raisonnable ne peut être mis en œuvre pour réduire le bruit.
- Tous les moyens raisonnables ont été mis en œuvre.
Ces mesures doivent être effectuées dans les 30 jours suivant la fin du délai pour identifier un moyen raisonnable ou après la mise en œuvre complète de ces moyens.
Ces dispositions assurent un suivi rigoureux et imposent des échéances claires pour garantir la sécurité des travailleurs face aux risques liés au bruit.
Tenue des dossiers et affichage des rapports
L’article 141.4 oblige l’employeur à afficher ou diffuser le rapport de mesurage effectué au plus tard 15 jours après qu’il ait été mis à sa disposition. Ce rapport doit être accessible aux travailleurs dans un endroit visible pour une durée minimale de 3 mois.
Par ailleurs, selon l’article 141.5, l’employeur doit inclure et maintenir à jour dans le programme de prévention, ou à défaut dans un registre, les informations suivantes :
- Les situations de travail à risque de dépassement des valeurs limites d’exposition au bruit, ainsi que la date de leur identification.
- Les moyens raisonnables réalisés pour réduire le bruit, avec les dates de début et de fin de leur mise en œuvre.
- Les rapports de mesurage.
Ces documents doivent être conservés pendant une période minimale de 10 ans et mis à la disposition des parties concernées, incluant la CNESST, et le médecin responsable œuvrant dans l’établissement.
Cette transparence vise à favoriser une gestion proactive et efficace des risques liés au bruit.
Mesures administratives
Conformément au RSST, les employeurs doivent également envisager des mesures administratives pour limiter l’exposition au bruit. Ces mesures incluent :
-
Aménagement des horaires : Réduire la durée d’exposition des travailleurs en organisant des rotations ou des pauses dans des zones calmes.
-
Reconfiguration des postes de travail : Éloigner les postes de travail des sources de bruit intenses.
-
Formation et sensibilisation : Informer les travailleurs sur les risques liés au bruit et les bonnes pratiques pour réduire son impact.
Utilisation des équipements de protection individuelle (EPI)
Si, malgré les mesures techniques et organisationnelles, le bruit demeure à des niveaux nuisibles, l’article 136 du RSST recommande l’usage d’EPI, comme des bouchons d’oreilles ou des casques antibruit. Ces protections doivent être bien adaptées, confortables et utilisées correctement par les travailleurs. D'ailleurs, l'employeur doit fournir des protecteurs auditifs durant la période nécessaire à la mise en œuvre d’un moyen raisonnable de réduction du bruit et durant la période nécessaire à la réparation ou à l’entretien d’une machine ou d’un équipement bruyant.
La prévention au delà de la règlementation
Adopter une stratégie de diminution du bruit à la source est un geste bienveillant qui bénéficie à tous. Les articles 130 à 141 du RSST soulignent l'importance de réduire le bruit à la source, une responsabilité essentielle pour les employeurs. En mettant en œuvre des solutions techniques et administratives et en engageant activement les travailleurs, nous pouvons ensemble créer des environnements de travail plus sains et sécuritaires pour tous. La prévention de la perte auditive causée par l'exposition au bruit ne devrait pas être vue uniquement comme une obligation légale, mais comme un véritable engagement envers la santé et le bien-être de chacun au travail.
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